Bulletin de l'ALSFX, automne 2008 (extrait)

Obstacle au skieur, en plein sur la piste...

En cette deuxième semaine de décembre 2007, la neige était déjà bien présente au lac St-François-Xavier. Après avoir emprunté le petit sentier du fond de la Baie pour une brève visite à mon chalet, fermé pour l'hiver, je revenais par le corridor aérobique (rue du Chemin de fer), chaussé de mes skis, vers l'église de Montfort. J’y avais laissé l'auto et comptais y rencontrer mon frère qui avait parlé de m’y rejoindre.

Il me fallait maintenant emprunter ou longer la route principale jusqu'au stationnement du «Pavillon», soixante-dix pieds plus loin. Elle est perpendiculaire au corridor mais creusait maintenant une profonde tranchée dans le plateau de neige environnant. Enlever mes skis pour descendre sur la chaussée me paraissait fastidieux car je n'avais pas terminé mon équipée. Au mal que j'ai à les remettre, c'est un pensez-y bien compréhensible. Je décidai plutôt de rester sur le talus laissé par la charrue sur le côté de la route.

Le banc de neige bordant la Principale descendait jusqu'au terrain de l'église et je n'avais qu'à me laisser glisser jusqu'en bas. Visiblement, plusieurs l'avaient fait avant moi. Mais voilà que les têtes d’une rangée d'arbustes s'alignaient entre les deux traces de ski laissées par les prédécesseurs, dépassant de plus d'un mètre le sommet du talus, de quoi se faire chatouiller l'entrejambes en passant. Je ne sais quel rigolo ou maladroit avait tracé la voie. Les multiples branches se voulurent complaisantes et l'opération fut réussie sans dommage.

Fort de mon expérience, je repris cette piste improvisée à rebours après avoir constaté que l'auto du frangin n'était pas dans le stationnement et qu'il avait dû changer ses plans. Délesté de mon sac à dos, laissé à mon auto, je voulais revenir au corridor aérobique en l'empruntant vers Morin-Heights cette fois, une section plus intéressante.

J'étais toujours à ski et il fallait remonter la pente; les arbustes étaient toujours là. Ce n'était plus la même histoire; visiblement, ils n'aimaient pas être pris à rebrousse-poil et je m'y enfargeais. Comme j'allais m'en sortir sous peu, je vis me dépasser un skieur, me paraissant plus âgé, en contrebas sur la Principale, avec ses skis dans les bras. Il me regardait d'un air aussi inquiet qu'étonné et je lui confessai que je n'avais peut-être pas opté pour la meilleure solution. J'ajoutai que je prenais bien garde, malgré tout, de ne pas abîmer la nature... Il acquiesça. 

Je ne sais plus si je dus quand même enlever mes skis pour traverser la route et rejoindre l'autre section du corridor. Il fut sur la piste de Morin-Heights avant moi puis s'était arrêté pour quelque ajustement à son ensemble. À la veille de glisser sur l’arrière de ses skis, je lui lançai qu'il y avait beaucoup de monde «dans le chemin» (on était seuls)... Il ne mit guère de temps à se remettre en marche. Sur ce terrain plat, je continuai machinalement à avancer, les yeux tournés vers la gauche, en m'extasiant devant le paysage.

Il y avait, en contrebas, avec une dénivellation d'une soixantaine de mètres je crois, le superbe tableau du lac Chevreuil. Deux minutes de contemplation à peine, il me semble, mais lorsque je regardai à nouveau devant, le «vieux» skieur avait déjà disparu au lointain... J'accélérai et longeai ce lac jusqu'au bout; mais je ne pus jamais l'apercevoir encore. Le vent avait aussi emprunté le lac Chevreuil sur un bon deux ou trois kilomètres et m'attendait au tournant, probablement dépité de s'être acharné inutilement contre celui que je pourchassais. Il me força à reprendre la direction de Montfort et le chemin du retour. 

Revenu à la Principale, je retirai mes skis et ...descendis du talus sans hésiter pour me rendre à l'auto! Après avoir parcouru quelques kilomètres, il me vint à l'esprit que j'avais oublié de prendre les circulaires dans ma boite postale. Je fis demi-tour pour aller récolter une mince moisson. Je repassai devant l'église sans y faire une prière cette fois et filai vers Montréal.

Il me fallut encore calculer pour franchir sans encombre le barrage de pompiers qui, régulièrement, bloquent les lumières au rouge et barrent la route à Morin-Heights, tout en mettant leur casque à l'envers pour la bonne cause. Opération que je trouve aussi dangereuse que disproportionnée; ça me met le ...feu au derrière! Ils peuvent se compter chanceux que mon frère ne soit finalement pas passé par là!

Carl Chapdelaine

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